AFP
Les virus géants, comme le "Marseillevirus" découvert par une équipe française, ont un patrimoine génétique composite, ce qui remet en question la notion darwinienne d'ancêtre commun à toutes les espèces.
Tout comme le Mimivirus, découvert en 2002 et le Mamavirus, le plus grand de tous décrit en 2008, Marseillevirus a emprunté en partie son patrimoine génétique aux espèces qu'il côtoie, a expliqué leur découvreur Didier Raoult à l'AFP.
Les Marseillevirus "sont une nouvelle famille virale entière", souligne le chercheur, qui dirige à l'université d'Aix-Marseille 2 (sud de la France) l'unité de recherche sur les maladies infectieuses et tropicales émergentes.
Leur "squelette génomique", c'est à dire les gènes qui leurs sont propres, sont "très différents des autres virus à ADN" mais l'ensemble de leurs gènes, ou répertoire, "montre qu'il y a un échange avec les autres micro-organismes, gros virus et bactéries qui vivent dans les amibes", explique le scientifique.
Les amibes, êtres unicellulaires qui peuvent être des parasites de l'animal ou de l'homme, "sont un lieu de création, un genre de dieu des virus et des bactéries", selon M. Raoult.
"Le melting pot génétique des amibes paraît produire des organismes aux génomes complexes", selon l'étude que Didier Raoult, Bernard La Scola et leurs collègues publient cette semaine dans PNAS, la revue de l'Académie des sciences américaine.
"Avec un génome de 368.000 paires de bases, Marseillevirus est le 5ème plus grand génome viral séquencé. Son diamètre est d'environ 250 nanomètres (soit 250 millionièmes de millimètre", indique dans un communiqué le Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Mamavirus compte pour sa part plus de 2 millions de paires de bases, contre quelques dizaines de milliers pour les petits virus.
Les gènes identifiés sur Marseillevirus proviennent de sources très différentes, issues des trois grandes branches du règne du vivant, à savoir les eucaryotes (animaux et plantes dont les cellules ont des noyaux), bactéries et archées (un autre groupe d'organismes unicellulaires distinct des bactéries), ainsi que d'autres virus géants comme le Mimivirus.
La découverte des virus géants, qui présentent certaines caractéristiques propres aux bactéries a remis en cause la pertinence de la définition des êtres vivants, dont les virus avaient été exclus parce que contrairement aux bactéries, ils sont incapables de se reproduire sans cellule hôte.
Mais la découverte en 2008 de Sputnik, un virus de virus, encore appelé virophage, capable d'infecter le Mamavirus pour s'y répliquer, a montré que ce dernier pouvait "tomber malade", ce qui suppose qu'il s'agit bien d'un organisme vivant.
"Dire que les virus ne font pas partie de l'arbre de la vie n'a pas de sens, car l'arbre de la vie darwinien n'existe pas, c'est un fantasme littéraire", affirme aujourd'hui M. Raoult. Il en veut pour preuve que "quand vous parlez de virus qui sont des mosaïques (de gènes), vous ne pouvez pas mettre cela sur un arbre".
"L'idée de l'ancêtre unique est un contre-sens. C'est un idée darwinienne, mais Darwin avait tort", explique ce scientifique pour qui "il y a autant d'arbres que de gènes".
Reprenant l'idée de rhizome qui, contrairement à l'arborescence, est un modèle d'organisation sans subordination hiérarchique développé dans les années 1970 par les philosophes Gilles Deleuze et Félix Guattari, M. Raoult propose de "changer l'arbre de la vie par le rhizome de la vie".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire